Chants de mariniers


CHANTS DE MARINS - 13/17 - Les mariniers


Fleuves et rivières : les chansons de mariniers

Les mariniers ont joué un très important rôle de vecteur d'échanges culturels entre les différentes traditions orales dans toute la France. Dans chaque grand bassin de navigation, ces voyageurs colportent des chansons en même temps que leurs marchandises. Sur la Loire, les gens des "Pays hauts" descendent du Bourbonnais jusqu'à Nantes sur leurs sapines et remontent à pied la vallée, diffusant tout au long de leur passage les chansons qu'ils ont entendues dans le grand port maritime. Pour les mariniers de la Dordogne, de l'Isle, du canal du Midi, etc., Bordeaux est une plaque tournante où s'échangent les répertoires, au contact des long-courriers, des terre-neuvas venus décharger le produit de leur campagne, des caboteurs et des pêcheurs de Gironde. Lyon a un rôle analogue, mettant en contact les bateliers de la Saône et du Rhône, permettant ainsi aux traditions méditerranéennes de remonter loin vers le Nord.

Autour des mariniers gravite aussi tout un petit peuple de riverains dont l'activité est liée à la batellerie. Les charpentiers de marine, les débardeurs et ouvriers des ports, les taillandiers fabricants d'ancres et d'outils de marine, les passeurs, les tonneliers, les paysans souvent haleurs d'occasion, les aubergistes qui régalent à l'escale et abritent les chevaux, les lavandières, les meuniers des moulins-bateaux et des moulins à roue : tous vivent du fleuve. A quoi il faut encore ajouter les artisans et commerçants qui profitent de l'activité économique importante qu'entraînent les transports par eau. Tous ces "hommes de l'eau" forment une communauté bigarrée et originale, souvent un peu marginalisée, qui a sa propre culture et un répertoire de chanson spécifique.

A mesure que les fleuves ont cessé d'être sillonnés par les flottilles de bateaux de rivière, concurrencées par d'autres moyens de transports, les compositions locales liées au "monde de l'eau" se sont faites plus rares, les anciennes chansons traditionnelles ont disparu également et il est difficile d'imaginer à quel point ces répertoires étaient riches. On ne connaît plus aujourd'hui que des bribes des chansons de mariniers du Sud-Ouest, ou du Rhône - batellerie pourtant très importante et aux traditions fortement typées. Le répertoire de la marine de Loire, qui a joué un rôle capital en France, tant sur le plan économique que culturel, a été mieux sauvegardé.

Quelques compositions de mariniers nous sont parvenues, mais la plupart du temps les versions retrouvées sont incomplètes. La Chanson des mariniers du Rhône, antérieure à 1850, donne une idée de ce fonds spécifique ancien :

De Lyon notre départance
Avecque trois bateaux chargés
Chargés de bois pour la marine
En Arles notre destinée.

De là en suivant notre route
Jusqu'à Condrieu gaillardement
Nous avons bronqué sur la pile
Ah mes amis, ah quel tourment

Des courts extraits de chants glanés au hasard des enquêtes montrent pourtant que ces œuvres de mariniers étaient nombreuses et originales. Certains chants de mariniers de Loire avaient pour refrain :

Allonge l'écoute, pèse la marne
Prends ton beitas de galorne
Boute bas le brai
Porte la bouline à l'étai.

Quand la batellerie s'est motorisée, la tradition de composer des chansons - et même des poèmes - s'est poursuivie. Beaucoup de textes décrivant la vie quotidienne de l'importante communauté marinière du Nord ont été écrits dans l'entre-deux-guerres, et même après, sur des airs à la mode (Dans ma péniche au bord de l'eau...).